vendredi 25 avril 2008

On a mal veilli


En 1986, le premier album éponyme des Garçons Bouchers fait l’effet d’un gros coup de hachoir à viande dans les tripes du milieu punk et alternatif français. Oscillant entre la oï, le ska et le punk, la formation de François Hadji-Lazaro se distingue de sa « petite sœur » Pigalle en optant pour un style beaucoup plus destroy, énergique et humoristique, là où Pigalle se veut plus noir et plus tourmenté.

L’aventure charcutière des Garçons Bouchers commence au milieu des années 1980 avec la création de la maison de disques Boucherie Productions et la sortie du single « La Bière », hymne punk et braillard, porté par la voix rocailleuse d’Erick Blitz, éphémère chanteur de la bande, qui laissera bientôt sa place à Pierrot Sapu, grand écumeur et animateur des circuits « Paris Bar Rock » devant l’éternel. Un album, sobrement intitulé Les Garçons Bouchers, sortira en 1987 comprenant quelques titres phares comme « Punkifiée », « SKA.G.B » ou encore « Putain qu’elle est belle », suivi l’année suivante par le Tome II, encore plus énervé, porté par des morceaux mythiques tels que « Carnivore », « Toutes des putes sauf ma mère et ma sœur » et « Le rap des Garçons Bouchers », première parodie d’un genre musical qui était alors en plein essor. Pièce de choix bien saignante déposée sur l’étal de Boucherie Productions , ce Tome II sera à l’origine d’un live (Un concert des Garçons Bouchers, sans fioritures) imposant le groupe sur la scène alternative française et permettant à François Hadji-Lazaro de mettre son physique en valeur via un jeu de scène qu’il ne cessera de développer au cours des années qui suivront.

L’année 1990 verra la sortie coup sur coup du concept album Regards affligés..., sous l’étiquette Pigalle et d’On a mal vieilli, sous celle des Garçons Bouchers. Deux albums, aux teintes strictement antithétiques, jeux d’ombres et de lumière permettant au tripier-en-chef Hadji-Lazaro de donner toute la mesure et l’éclectisme de son talent. Si Regards affligés… est teinté d’une mélancolie poignante, On a mal vieilli fouraille dans les tripes du rock français à coups de désosseur à viande et se permet encore quelques parodies de bon aloi, comme « La lambada, on n’aime pas ça » (taillant dans le lard de la mièvre danse de l’été qui avait alors traumatisé l’hexagone) ou « Je ne suis pas bien portant », reprise punkifiée du titre de Gaston Ouvrard, aveu d’une filiation revendiquée avec une certaine chanson française populaire.

Parallèlement, la charcuterie mobile des Garçons Bouchers tourne à travers toute la France. Le groupe multiplie les concerts, mais refuse les tournées-fleuves imposant des dizaines de dates et épuisant les musiciens à la tâche. Préférant les petites tournées circonscrites géographiquement, les Garçons Bouchers profitent de chaque intermède pour réviser leurs compositions et se consacrer à d’autres projets. François, pour sa part, n’a pas abandonné ses autres bébés joufflus et se produit aussi bien sous cette étiquette que sous celle des Garçons Bouchers ou Los Carayos. Un grand live (La saga des Garçons Bouchers) est enregistré lors de l’édition 1989 de la fête de l’Humanité et si le public s’est déplacé en masse à la Courneuve, on imagine sans peine que c’est davantage pour écouter les prestations scéniques des charcutiers que les comptes-rendus de séance de Georges Marchais (pourtant bien déconnant dans son genre lui aussi).

En 1992, Vacarmélite ou la nonne bruyante sonne un nouvel arrivage de carcasse sanguinolente chez Boucherie Productions, intégrant des sonorités résolument plus hardcores aux instruments traditionnels de la formation. Une autre tournée des grands ducs à travers toute la France consacre la sortie de l’album et permet à François de s’adonner à son plaisir : la visite des vignerons locaux. Malheureusement, en dépit du succès ininterrompu des albums des Garçons Bouchers et de Pigalle, les premières difficultés financières commencent à se faire sentir du côté de Boucherie Productions.

Écoute, petit frère, en 1995 sera l’album de l’annus horribilis, bien que ça ne se ressente nullement à l’écoute. Toutefois, à plus ou moins long terme, Boucherie Productions est condamnée et cet album sera le dernier des Garçons Bouchers, même si Pigalle et, par la suite, François Hadji-Lazaro en solo continueront leur carrière. L’abattoir a peut-être fermé, mais le tripier en gros continue à équarrir tendrement ses carcasses de viande en solitaire.

Benjamin D'Alguerre


Les garcons bouchers - 1990 - on a mal vieilli

1. sale gueule (2:53)
2. punk en culottes courtes (2:43)
3. haiti (2:22)
4. je ne suis pas bien portant (1:59)
5. les vieux a la pouvelle (2:06)
6. je hais les garcons bouchers (2:18)
7. la lambada on n aime pas ca (3:34)
8. l histoire melodramatique de m (3:46)
9. guerre (2:38)
10. comment vous parler de la mort (3:11)
11. je m eclate au senegal (2:00)
12. la fete la joie (3:09)




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